Article de Décision Achats : "Cap sur le transport de marchandises décarboné"

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RSE

Décision Achats

13/01/2023, Mathieu Neu

Décarboner sa supply chain entraîne de revoir sa copie en termes d'achats de transports

Les solutions innovantes gagnent du terrain et vont bien au-delà du simple remplacement des véhicules polluants. La décarbonation des achats semble bel et bien en marche. Ainsi, 86% des entreprises effectuent des mesures de leurs émissions indirectes de CO2 , de l'amont à l'aval, au sein de la chaîne de valeur de leurs achats. Des chiffres encourageants soulignés par le baromètre réalisé en 2022 sur le sujet par Wavestone et Bpifrance Le Hub. Il reste toutefois du chemin à parcourir car 36% des directions achats ne disposent actuellement pas de budget dans cette optique et ne prévoient pas d'allocation financière en faveur de la décarbonation

Energies propres et bas carbone

La crise du covid-19 et ses conséquences ont bouleversé les habitudes des acheteurs, des logisticiens et des transporteurs. A la nécessité de s'adapter rapidement aux contraintes et de trouver de nouveaux circuits d'approvisionnement s'ajoute la flambée du prix des énergies fossiles. "

Celles-ci vont de toute façon continuer à coûter cher. La nécessité de se tourner globalement vers des énergies propres ou bas carbone, pour des raisons climatiques, s'accompagne de nouvelles motivations de court terme allant dans ce sens. Beaucoup de décideurs changent actuellement leur fusil d'épaules ou y réfléchissent en tout cas activement. C'est un contexte favorable aux remaniements de fond", analyse Nicolas Crestin, co-fondateur de Sami, fournisseur de solutions digitales en faveur de la décarbonation.

Pour Ignacio Tirado, directeur général de Easy4Pro, place de marché de mise en relation entre acheteurs et transporteurs, "l'écologie n'est pas encore un réflexe dans les décisions. On cherche avant tout une alternative fiable et rapide qui peut toutefois être compatible avec le souci environnemental. Les politiques RSE en place dans les entreprises guident parfois les choix, mais il nous arrive aussi d'expliquer à des clients qu'ils auraient pu activer facilement certaines options écologiques qui leur auraient permis de mieux valoriser des actions bas carbone en interne, sans pour autant porter atteinte à d'autres critères de réactivité ou de coûts."

Du gaz pour le groupe La Poste

En France, le groupe La Poste semble symboliser une évolution globale qui suit son cours lentement mais sûrement en matière de décarbonation. Elle rassemble dans son périmètre d'activité environ 600 partenaires réguliers du transport.

"Des acteurs de toutes sortes, des petits porteurs de zones urbaines denses aux transporteurs de longue distance. Quelques 5 000 poids lourds sillonnent les routes nationales tous les jours. 300 d'entre eux sont nos propres camions avec nos propres chauffeurs, et une cinquantaine de ces camions fonctionnement au gaz à l'heure actuelle", résume Christophe Baboin, directeur général au sein de l'entreprise Viaposte transport Management, filiale de La Poste Solutions Business.

Un virage vers des processus plus verts qui s'est amorcé en 2014, avec la mise en place progressive de solutions GNL (Gaz naturel liquéfié) et GNC (Gaz naturel comprimé).

Si ces projets sont bien trop lents aux yeux de certains observateurs, les deux dernières années témoignent d'une accélération des initiatives : "Nous avons notre propre station de gaz, implantée à Chelles en Île-de-France, pour alimenter nos camions. Celle-ci est entièrement opérationnelle depuis avril 2021. Pour le moment, 7% de nos kilomètres parcourus se font en recourant au gaz", ajoute Christophe Baboin. Dans notre feuille de route de décarbonation, nous prévoyons de passer à 50% de diesel d'ici à 2030, l'autre moitié étant alimenté par du biogaz, de l'électricité, des biocarburants et dans un deuxième temps par de l'hydrogène. Un objectif de 100% de recours à des énergies bas carbone est fixé avant 2050."

L'alternative du bateau à voile chez Renault

D'autres virages pour un transport plus écologique voient le jour chez des acteurs de renom, à l'image de la politique ambitieuse de Renault. "Nous avons mis en place un plan de décarbonation destiné à exploiter un ensemble de leviers simultanément, tels que la réduction du nombre kilomètres parcourus pour chaque mètre cube de marchandises ou l'orientation vers des moyens de transport plus écologiques. Nous sommes en partenariat avec la jeune société Neoline pour utiliser des bateaux à voiles d'ici quelques années. En parallèle, nous menons également des tests sur des transports au biogaz. Les avancées se font de façon toujours plus précise dans nos plans d'action", témoigne Frédéric-Aimé Rosenzweig, Expert Supply Chain Groupe Renault, membre du Conseil d'Administration de France Supply Chain et du Lab Supply Chain4Good.

Mais les réalités industrielles compliquent parfois les avancées."Les évolutions au sein du groupe constituent des défis importants. Mais il est bien sûr très difficile de faire bouger les lignes au sein d'une usine, auprès d'un fournisseur lorsque les systèmes industriels sont en place depuis très longtemps. L'industrie automobile se caractérise par une complexité qui impose d'anticiper certains projets de transformation écologique", poursuit-il.

La nécessité d'une approche globale

La décarbonation du transport dépasse largement le cadre des questions technologiques et du choix du moyen d'acheminement. Pour être vraiment pertinente, "elle passe par plusieurs axes : la relocalisation, puisque le transport le plus décarboné est toujours celui qui n'existe pas, le volet multimodal associant par exemple le train et le camion ou le train, le bateau et le camion, l'optimisation des chargements et la massification des flux. Sur ce dernier point, le partage des données est crucial pour être plus efficient et ne pas se retrouver avec des centres-villes engorgés par des milliers de petits porteurs qui rendent la circulation impossible", explique Frédéric-Aimé Rosenzweig.

L'élaboration d'organisations à grande échelle forme dès lors une étape indispensable. L'une des recommandations est l'instauration de plateformes dans des villes qui permettent d'optimiser les tournées entre les différents acteurs, pour maîtriser les flux,"avec davantage de points relais par exemple. Il faut aussi des hubs multi-entreprises, ce qui suppose une organisation commune avec un partage de données et de moyens", ajoute-t-il.

Digital et mesure de l'empreinte carbone

Si l'épidémie de Covid a fait faire un bond numérique en avant pour gagner en agilité, il en est de même pour l'évolution vers des transports décarbonés. Les solutions visant à gagner en maîtrise sur ces sujets gagnent en popularité. "Nous proposons un outil SaaS pour mesurer l'empreinte carbone, connaître en détail ses émissions (fret amont, fret aval, déplacement des collaborateurs...). On peut ainsi se fixer des objectifs de réductions et mettre en place un plan d'action pour les atteindre, selon des paramètres et un échéancier en accord avec ses exigences. Nous accompagnons les entreprises aux côtés de cette plateforme avec un coach carbone", illustre Nicolas Crestin.

Des investissements sont nécessaires, mais doivent être orientés dans la bonne direction. C'est en tout cas ce que recommande Brice Faure, directeur général du fournisseur de solutions logicielles de planification Anaplan : "Il peut être difficile de revoir ses scénarios et flux en place lorsque l'information est très silotée. Se tourner vers le cloud et le mode SaaS permet une rupture radicale et de mettre en oeuvre bien plus rapidement, souvent en quelques mois seulement un système global harmonisé et centralisé"

Un vent d'innovations

L'Association des Chargeurs, sous la houlette de France Supply Chain, et l'AUTF (Association des Utilisateurs de Transport de Fret) ont lancé en février 2022 un appel d'offres visant à créer des solutions de transport de cargos à propulsion vélique dès 2024. L'idée semble appartenir à un futur lointain. En réalité, il n'en est rien. Certaines entreprises innovantes rendent d'ores et déjà très concrète cette ambition d'équiper de gros maritimes de voiles géantes, à l'image de la société française Zéphyr et Borée qui vient de lancer un porte-conteneurs à voiles de 185 mètres. L'avantage écologique est considérable puisque le bâtiment permet une réduction de 80% du bilan carbone sur un trajet transtlantique.

Autre innovation à venir : le véhicule à hydrogène, capable de rendre presque nul le taux d'émission de CO2 . Des démonstrateurs se mettent déjà en place pour tester des camions avec cette énergie durable. Mais un réseau d'approvisionnement suffisant est nécessaire, et celui-ci n'existe pas pour l'heure. Le recours à l'hydrogène pour les transports pourrait toutefois ne plus anecdotique d'ici 5 à 10 ans. Le coût de cette ressource reste actuellement un frein considérable. Il faut compter 12€ par kilogramme d'hydrogène. Sachant que près de 9 kilos d'hydrogène sont nécessaires pour un semi-remorque qui souhaite parcourir 100 kilomètres, le transport revient à environ 1€ par kilomètre, ce qui est bien sûr rédhibitoire.

decision-achats.fr

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